Qu’est ce qu’une maison passive : l’histoire des maisons passives

Les bâtiments passifs sont à la mode et ce qualificatif est souvent utilisé de manière erronée, alors qu’il a été élaboré de manière très précise. En effet, nous allons voir ensemble que c’est une démarche scientifique qui en est à l’origine.

Je vous propose tout d’abord quelques faits historiques précédant la naissance de la construction passive, puis on verra comment elle est apparue, et enfin on s’intéressera à la démarche générale à mener pour en concevoir une.

1. L’habitat traditionnel et son adaptation au climat

De tout temps, l’habitat s’est adapté aux caractéristiques locales :

  • Tout d’abord climatiques : l’ensoleillement, le froid, les régimes de pluie et de vent.

  • Mais aussi les ressources locales en matériaux : comme les forêts, les carrières de pierre, le sable, la terre argileuse, l’ardoise, etc.

L’histoire regorge d’expériences réussies pour réaliser des habitats très économes en énergie, notamment dans les endroits très limités en ressources.

Par exemple :

  • Les maisons traditionnelles d’Islande, un pays très froid et sans forêt, dont l’unique combustible est la tourbe, peu calorifique.

  • Ou alors les navires d’exploration du Grand Nord, qui partaient pour plusieurs années affronter la banquise, sans possibilité de se ravitailler en bois de chauffage.

En France, l’habitat vernaculaire montre par sa diversité régionale l’adaptation ancestrale aux conditions locales.

2. Les bouleversements du 20e siècle

Mais la France a subi de profondes mutations au 20e siècle :

  • Deux guerres provoquant de nombreuses destructions.

  • Une forte hausse de la population (baby-boom, décolonisation, immigration liée à la demande de main-d’œuvre).

  • Une concentration dans les villes et une demande de confort calquée sur le mode de vie américain.

D’où :

  • La prépondérance de la construction en béton, matériau économique et disponible en grande quantité.

  • L’industrialisation poussée du bâtiment.

  • La généralisation du chauffage central, notamment grâce au pétrole.

Après les grands ensembles (les cités), ces techniques ont été appliquées à l’habitat individuel des classes moyennes : le fameux pavillon de banlieue.

Dès les années 50, l’accès à une énergie à bas prix, le besoin de construire en grande quantité, vite et pas cher, ont rapidement fait oublier le bon sens des anciens présent dans la construction traditionnelle.

3. Les débuts de la réflexion écologique

C’est dans les années 70 que :

  • Les mouvements hippies et les écologistes ont fait germer l’idée d’un retour à un habitat plus naturel.

  • Redécouvrant ainsi les matériaux traditionnels et les savoirs anciens.

  • Ou alors cherchant tout simplement à accroître les performances des matériaux modernes comme le béton et le métal.

En résumé, ils cherchaient :

  • À limiter les déperditions.

  • À profiter des apports solaires.

  • À se protéger des vents dominants.

  • À être sobres en consommation d’énergie.

La crise énergétique de 1973 renforça leur démarche. Mais il faut bien dire que cela n’a pas révolutionné le monde : tout cela est resté plutôt confidentiel, puisque très expérimental et peu réplicable, car basé principalement sur de l’autoconstruction.

Cependant, cela a permis de poser les bases de :

  • La construction bioclimatique.

  • Les premières recherches en physique du bâtiment.

On commence à parler de :

  • Résistance thermique,

  • Inertie du bâtiment,

  • Déphasage des matériaux,

  • Diffusivité, etc.

👉 Si vous souhaitez en savoir plus, je vous conseille l’excellent ouvrage de Jean-Pierre Oliva, qui a longtemps été mon livre de chevet.

4. L’émergence du concept de maison passive

C’est donc bien sur les bases du bioclimatisme que le concept de maison passive a émergé.

Dans les années 80, deux scientifiques allemands ont commencé à jeter les bases d’une nouvelle approche de la construction, en essayant de répondre à la question suivante : Comment réduire la dépendance des futurs bâtiments à une énergie promise à se raréfier ?

À l’issue de leurs travaux, un certain Wolfgang Feist créa le Passivhaus Institute à la fin des années 1980.

5. La démarche scientifique

L’habitat de l’époque avait de nombreuses déperditions d’énergie :

  • Par les parois opaques : murs, sol, toiture.

  • Par les vitrages.

  • Par toutes les fuites d’air aux jonctions des éléments de la construction : menuiseries, charpente, combles, etc.

Résultat : un grand besoin de chaleur pour compenser ces pertes → donc beaucoup d’énergie à produire.

On utilise l’eau comme vecteur de chaleur :

  • Liquide facile à faire circuler.

  • Abondant, économique.

  • Matériau avec la meilleure capacité thermique.

Petite démonstration :
Sortez nu en hiver dans un air à 0°C → vous serez frigorifiés mais réchauffables.
Plongez-vous dans de l’eau à 0°C → votre cœur s’arrête en quelques minutes.

➡️ L’eau stocke et restitue beaucoup plus de chaleur que tous les autres matériaux.

Mais :

  • Le système de chauffage à eau est peu performant (rendement faible de la chaudière, pertes dans les tuyaux et radiateurs).

  • Cela entraîne des contrastes de température désagréables, nécessitant de chauffer davantage.

6. Réduire les besoins de chauffage

Les chercheurs ont cherché à supprimer cette machinerie inefficace :

  • Parois opaques : renforcer l’isolation.

  • Menuiseries : double, puis triple vitrage.

  • Fuites d’air : nouvelles méthodes d’étanchéité avec pare-vapeur.

Résultat : une maison parfaitement isolée et étanche à l’air, mais plus de ventilation naturelle.
Or celle-ci évacuait humidité et évitait moisissures.

➡️ Il a donc fallu installer une ventilation mécanique.

7. La ventilation double flux

Problème :
La ventilation évacue de l’air chaud et fait entrer de l’air froid → pertes thermiques.

Solution :
La ventilation double flux permet :

  • De préchauffer l’air entrant grâce à l’air sortant.

  • De récupérer jusqu’à 90 % des calories évacuées.

8. Les apports thermiques passifs

Avec une maison très peu déperditive, on observe aussi des apports :

  • Apports solaires passifs via les baies vitrées au sud.

  • Chaleur des habitants (un adulte ≈ 80W).

  • Chaleur des équipements électriques et de la cuisine.

9. Que faire s’il fait froid ?

Un client me demande :
👉 « Et s’il fait froid un jour dans ma maison passive ? »

Plusieurs solutions :

  • Petits radiateurs électriques → cher, peu esthétique, prend de la place.

  • Ou bien une résistance thermique sur le seul réseau disponible : la ventilation.

Mais attention, l’air ne véhicule que peu de chaleur.
Il faut donc dimensionner la maison pour que la faible chaleur transmise par l’air suffise.

👉 Les chercheurs ont donc défini que le besoin maximal de chauffage devait être :
15 kWh/m²/an.

C’est ce seuil qui permet de se passer d’un réseau de chauffage, et finance le surcoût de performance.

10. La validation du concept

Ce chiffre de 15 kWh/m²/an est issu d’un calcul scientifique, et non d’un objectif arbitraire.
C’est le seul moyen d’atteindre l’objectif réel d’absence de chauffage actif.

En 1990 à Darmstadt, les chercheurs ont construit un premier bâtiment collectif selon ces principes.
Ils ont pu expérimenter, observer les contraintes et mesurer les performances réelles.

Résultat confirmé 30 ans après.

11. La méthodologie Passivhaus

Le Passivhaus Institute a ensuite :

  • Certifié des composants (menuiseries, chauffe-eaux solaires, VMC double flux).

  • Créé un logiciel de calcul thermique : le PHPP (Passivhaus Planning Package).

  • Mis en place une démarche qualité pour certifier les bâtiments.

Puis ils ont diffusé la méthode :

  • Formations pour architectes et bureaux d’études.

  • Déploiement à l’international : Autriche, Suisse, France, USA, Asie…

12. Conclusion

Le principe reste le même partout dans le monde, quel que soit le climat :
👉 Pas de système actif de chauffage ou de refroidissement.

On dispose ainsi d’une boîte à outils complète :

  • Principes de conception.

  • Logiciel rigoureux.

  • Composants certifiés.

  • Démarche qualité.

En résumé

Un bâtiment passif n’est pas :

  • Un concept marketing.

  • Un label approximatif ou complaisant.

👉 C’est une démarche complète et rigoureuse, pour atteindre un objectif clair et vérifiable.

 

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